Passer au contenu principal
Politique de protection des renseignements personnels

Ce site utilise des témoins de navigation afin de vous offrir une expérience optimale.

En savoir plus
A A A

Où souhaitez-vous
partager cette page?

Refermer

Fermeture pour la Fête nationale et la fête du Canada

Nos bureaux seront fermés les lundis 24 juin et 1er juillet. Vous pouvez utiliser notre formulaire de plainte en ligne en tout temps.

9 février 2022Lettres et allocutions

Notes pour la présentation de la Commission sur le projet de loi 15 sur la réforme de la Loi sur la protection de la jeunesse

Photo rosée d'un petit garçon par Moses Vega récupérée sur Unsplash.
Voici les notes pour la présentation de la Commission devant la Commission de la santé et des services sociaux de l’Assemblée nationale du Québec le 9 février 2022, à l’occasion des consultations particulières sur le projet de loi n° 15, Loi modifiant la Loi sur la protection de la jeunesse et d’autres dispositions législatives.

Monsieur le Président,

Monsieur le Ministre,

Mesdames et Messieurs les députés,

Je suis Suzanne Arpin, vice-présidente de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, responsable du mandat jeunesse. Je suis accompagnée de MCatherine Gauvreau, Me Karina Montminy et Me Yolaine Williams conseillères juridiques à la Commission.

Je tiens d’abord à mettre de l’avant que la Commission inscrit son action dans une perspective globale de promotion et de défense des droits des enfants, en reconnaissant qu’ils sont des personnes à part entière à qui il faut donner une voix en toutes circonstances. Elle érige l’intérêt de l’enfant au titre de considération primordiale qui doit être au premier plan dans toutes les interventions réalisées à leur endroit.

Pour la Commission, la protection des enfants du Québec est une responsabilité collective qui revient à la fois aux parents, à l’entourage des enfants, aux DPJ, aux acteurs du système judiciaire, aux organismes institutionnels et du milieu ainsi qu’au gouvernement. À titre d’institution publique gardienne des droits de l’enfant, la Commission fait partie de cet ensemble qui forme le filet de protection de l’enfant. Elle y joue un rôle unique par la combinaison des pouvoirs et fonctions que lui confèrent la L.p.j. et la Charte des droits et libertés de la personne.

La Commission exerce d’une part une mission spécifique quant à la protection de l’intérêt de l’enfant et au respect des droits qui lui sont reconnus par la L.p.j. et, étant une Commission des droits de la personne, une mission plus large en droits de la personne, qui inclut la promotion et le respect des droits de l’ensemble des enfants en vertu de la Charte, dont le droit à l’égalité.

Comme le prévoit la L.p.j., la Commission peut notamment intervenir, sur demande ou de sa propre initiative, lorsqu’elle a des raisons de croire que les droits d’un enfant ou d’un groupe d’enfants dont la situation est prise en charge par la DPJ sont lésés. Elle mène des enquêtes individuelles ou systémiques et dispose du pouvoir de saisir le tribunal lorsque l’intérêt des enfants le commande. La Commission peut d’ailleurs utiliser la voie judiciaire lorsqu’elle juge nécessaire que soit corrigée la situation où les droits d’un enfant ont été lésés. Ses fonctions incluent également celle de faire de l’éducation aux droits, des recommandations aux différents acteurs institutionnels et gouvernementaux ainsi que de la recherche.

Étant donné la mission et les responsabilités fondamentales que la Commission exerce afin de s’assurer que les droits de l’ensemble des enfants du Québec soient pleinement respectés, la réforme de la L.p.j. l’interpelle au plus haut point. Elle constitue à ses yeux un premier jalon de plusieurs chantiers annoncés par le gouvernement qui doivent ultimement mener à une véritable reconnaissance des droits de l’enfant et de son intérêt. C’est dans cette perspective et à la lumière des différents travaux qu’elle a menés que la Commission a analysé le projet de loi.

Au fil des ans, à travers ses nombreuses enquêtes, elle a dégagé des problématiques récurrentes d’application de la L.p.j. ayant comme conséquences de léser les droits des enfants. La Commission a formulé des recommandations de différentes natures aux DPJ, aux établissements de santé et de services sociaux ainsi qu’à divers ministères.

La Commission salue ainsi les ajouts proposés au préambule et à l’article 3 de la L.p.j. qui reconnaitraient explicitement que l’intérêt de l’enfant est une considération primordiale dans toute décision prise à son sujet. La Commission accueille de même avec satisfaction l’énoncé dans le préambule à l’effet que le Québec s’est déclaré lié par la Convention relative aux droits de l’enfant. Il doit être largement compris que les droits contenus à la L.p.j. doivent s’interpréter et s’appliquer en tenant compte de cette Convention.

La Commission recommande toutefois de modifier l’article 3 de la L.p.j. pour ajouter les caractéristiques de l’identité culturelle des enfants racisés et des enfants des minorités ethniques aux facteurs à prendre en considération lorsque des décisions doivent être prises en vertu de cette loi, et ce, dans l’intérêt de l’enfant et dans le respect de ses droits.

Sur un autre sujet, la Commission estime essentiel, dans le cadre du présent exercice, de rappeler les grands fondements du principe du maintien en milieu familial de l’enfant. Il prend sa source dans la Charte et dans la L.p.j ainsi que dans la Convention relative aux droits de l’enfant. Insistons ici sur le fait que la L.p.j. est une loi d’exception qui constitue une intrusion dans la vie privée des familles.

Des interventions privilégiant que l’enfant demeure dans son milieu familial doivent d’abord être évaluées et mises en place, et cela en fonction de son intérêt. C’est pourquoi la Commission recommande de modifier le projet de loi pour qu’il soit clair que l’objectif de l’intervention en matière de protection de la jeunesse, prévue à l’article 4 de la L.p.j., soit que l’enfant demeure confié à ses parents, à moins que cela soit contraire à son intérêt.

La Commission est favorable à l’ajout des termes « avec l’intensité requise » à l’article 8 qui porte sur les services, mais juge essentiel que le gouvernement agisse, dès maintenant, plus largement pour garantir la mise en œuvre du droit aux services visés à cet article, sans quoi la modification proposée risque de rater sa cible. Ainsi, la Commission réitère, à nouveau, les recommandations formulées dans son dernier rapport sur la mise en œuvre de la L.p.j., qui portait spécifiquement sur les délais d’intervention du DPJ et sur l’accès aux services requis dans l’ensemble des missions des CISSS/CIUSSS.

La Commission estime par ailleurs que malgré le progrès que la modification à l’article 9 de la L.p.j. représenterait quant au droit de l’enfant à des contacts avec des personnes significatives, elle s’avère insuffisante au regard du droit de l’enfant à des communications confidentielles. À l’heure actuelle, elle continue de constater que des enfants placés en milieu substitut se voient refuser des contacts avec des tiers, incluant des personnes significatives pour l’enfant, et ce, pour des motifs et suivant une procédure qui ne sont pas conformes à la loi. La Commission recommande ainsi à nouveau de rendre la loi plus claire et explicite relativement au pouvoir attribué au DPJ à ce sujet.

Dans un autre ordre d’idées, le projet de loi propose d’introduire des mesures spécifiques à la L.p.j. pour tenir compte des situations des enfants autochtones et leurs familles. La position de la Commission est claire à ce sujet : il est essentiel de reconnaître le droit à l’autodétermination des peuples autochtones en ce qui concerne le bien-être de leurs enfants. Il revient aux seules nations autochtones de déterminer quel est le meilleur intérêt des enfants autochtones et par conséquent, de prendre en charge leur propre système de protection de la jeunesse. Depuis des années, la Commission insiste sur l’urgence d’agir pour modifier les pratiques des DPJ dans l’intervention auprès des enfants autochtones. Elle a appuyé sans restriction les appels à l’action proposés par la Commission Viens en matière de protection de la jeunesse. Elle considère que le Gouvernement du Québec et les autorités autochtones doivent les mettre en place afin d’offrir un système de protection respectueux des droits des enfants autochtones. La Commission fait part dans son mémoire de ses observations et commentaires en lien avec le présent projet de loi.

La Commission traite ensuite dans son mémoire d’un autre sujet d’importance, le partage des renseignements confidentiels et de l’accès aux dossiers. Elle explique la raison d’être du régime de confidentialité prévu dans la L.p.j., lequel repose notamment sur les risques reliés à la stigmatisation de l’enfant pris en charge par le système de protection de la jeunesse ainsi que l’intrusion dans la vie privée des familles que représente l’intervention en protection de la jeunesse. Le principe de confidentialité n’est cependant pas absolu. Des dispositions particulières de cette loi permettent déjà la divulgation de renseignements qui sont nécessaires afin de garantir la protection de l’enfant et le respect de ses droits.

Dans le cadre de ses interventions, la Commission a rappelé à plusieurs reprises l’importance de protéger les renseignements confidentiels des enfants et de leurs parents, ceux-ci étant reconnus comme une composante du droit au respect de la vie privée. Elle a notamment mis de l’avant que les problèmes de communication en lien avec les renseignements confidentiels résidaient dans l’application des règles de confidentialité et non dans la formulation des dispositions applicables. L’ajout d’un principe d’interprétation en faveur de la communication de renseignements si elle est justifiée par l’intérêt de l’enfant ou la protection d’un autre enfant, proposé par le projet de loi, répondrait en partie aux préoccupations de la Commission à ce sujet. Cela dit, la Commission indique, dans son mémoire, quelques réserves relatives à la portée de certaines dispositions du projet de loi facilitant la divulgation de renseignements personnels.

La Commission se réjouit de la reconnaissance du rôle du ministre à l’égard des enfants en protection de la jeunesse qui répondrait à sa recommandation de renforcer les responsabilités ministérielles en vue de veiller au respect des droits enfants. Elle demeure toutefois convaincue de la pertinence d’attribuer à un ministre la responsabilité de veiller au respect des droits de tous les enfants dans la prise des décisions au sein de l’appareil gouvernemental, obligation qui incombe au gouvernement quant à la mise en œuvre des droits des enfants au Québec. Elle invite ainsi le gouvernement à poursuivre ses travaux dans cette visée.

La Commission a en outre insisté sur la nécessité d’uniformiser les pratiques des DPJ et relevé l’absence d’entité nationale permettant d’assurer la cohérence de leurs actions au niveau de la province. La Commission accueille donc avec satisfaction l’institution d’un Directeur national de la protection de la jeunesse, dont les responsabilités seraient de cette nature. La Commission entend poursuivre l’exercice de ses mandats en collaboration avec cette nouvelle instance en regard de la promotion et la défense des droits de l’enfant.

En terminant, la Commission a rappelé qu’il existe au Québec un ensemble d’acteurs qui œuvrent auprès des enfants et leurs familles pour assurer la promotion et la défense de leurs droits. Leur apport est nécessaire au fonctionnement effectif de l’offre et de l’organisation des services destinés aux enfants et à leur famille au sein de la société québécoise. La Commission ne peut qu’insister sur l’importance de développer une meilleure collaboration entre l’ensemble des acteurs concourant au bien-être de l’enfant de même qu’au respect de ses droits.

Nous vous remercions de votre attention.


Notes préparées à la Direction de la recherche par :
Me Karina Montminy, conseillère juridique


Liens connexes