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7 octobre 2021Déclarations

Déclaration de la Commission sur la notion de racisme systémique

Par Myrlande Pierre, vice-présidente responsable du mandat Charte, au nom de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

Cette déclaration a été publiée dans Le Devoir du 7 octobre 2021. 

Beaucoup d’encre a coulé dernièrement concernant la notion de racisme systémique. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse souhaite apporter sa contribution particulière à la discussion. En s'exprimant sur le sujet aujourd’hui, elle ne cherche pas à alimenter la polarisation, bien au contraire, mais à apporter des éléments pour approfondir la réflexion en vue d’enrayer les inégalités qui persistent dans notre société. La mission de la Commission, ainsi que le cadre de la Charte des droits et libertés de la personne dont elle est fiduciaire, la place, nous en conviendrons, au cœur des enjeux qui se posent actuellement au Québec. La société québécoise, à l’instar d’autres États, vit une mobilisation sociale sans précédent contre le racisme et ce, sous toutes les formes qu’il emprunte.

Avant d’aller plus loin, la Commission tient à affirmer clairement que le racisme systémique existe au Québec, comme dans les autres sociétés, et à réitérer que pour combattre un phénomène de nature systémique, il faut proposer des solutions systémiques et structurelles.

La Commission a entrepris au cours de la dernière année un travail rigoureux sur la notion du racisme systémique, s’appuyant sur son expertise pour mener une démarche approfondie en la matière, ainsi que sur l’avis d’experts. Elle diffuse aujourd’hui un cadre de réflexion sur la notion de racisme systémiquedocument qui vise à mieux comprendre ce concept et offrir des éléments de définition. La Commission rend publics ces éléments de définition pour permettre un débat serein et constructif pour la société québécoise, qui selon nous a la maturité requise et tous les moyens à sa disposition pour le faire.

Surtout, la Commission est en mode solution et réitère sa recommandation voulant que le gouvernement se dote d’une politique québécoise de lutte contre le racisme et la discrimination systémiques comme solution durable et pérenne pour lutter contre ce phénomène délétère qui fragilise le tissu social.

À cet égard, aux yeux de la Commission, il est impératif de remédier aux désavantages hérités du passé, réviser les politiques, les pratiques, les normes et les processus pour en éliminer les impacts négatifs sur les personnes racisées, dont les personnes des communautés noires, ainsi que sur les personnes autochtones.

Depuis près de 45 ans, la Commission œuvre activement à enrayer le racisme et la discrimination, que ce soit par le traitement de plaintes individuelles, d’enquêtes systémiques ou par un travail soutenu de recherche, d’éducation, de sensibilisation et de promotion auprès de différents publics et dans divers domaines. 

Les éléments de définition que la Commission soumet sont le fruit d’une démarche entreprise à l’été 2020 à la suite du meurtre de George Floyd aux États-Unis et des mobilisations qui s’en suivirent. La mort de Joyce Echaquan, cette femme atikamekw décédée à l’hôpital de Joliette sous une pluie d’insultes racistes proférées par le personnel soignant a confirmé l’importance de la démarche entreprise par la Commission.

Soulignons qu’à la suite de son enquête, la coroner Géhane Kamel a d’ailleurs conclu que madame Echaquan avait été « ostracisée, que son décès est directement relié aux soins obtenus lors de son hospitalisation […] et que sa mort aurait pu être évitée ». Cela vient démontrer à nouveau le fait que des institutions sont encore traversées par des rapports inégalitaires et des stéréotypes qui se traduisent par des attitudes et des comportements racistes.

Fermement convaincue de l’importance de bien comprendre la notion de racisme systémique, la Commission a choisi la voie du questionnement et de la réflexion, afin de faire ressortir toute la complexité associée à cette notion ainsi que les enseignements qu’on peut en tirer. Ce pas de recul représente une approche porteuse afin de dépasser les clivages actuels. Mieux saisir ce concept permet d’apporter un éclairage plus fécond sur la réalité québécoise.

Au cours de sa démarche, la Commission a observé une confusion dans l'utilisation des concepts de discrimination systémique et de racisme systémique. Ceux-ci sont en effet bien souvent présentés comme équivalents. Dans certains cas, la définition de discrimination systémique utilisée depuis plusieurs années par la Commission a été incorrectement présentée par des intervenants du débat comme étant sa définition du racisme systémique, ce qui manifestement contribue à la confusion actuelle.

Du point de vue de la Commission, les concepts de « discrimination systémique » et de « racisme systémique » sont distincts. Dit simplement, la discrimination systémique constitue une qualification juridique spécifique associée au cadre de la Charte, tandis que le racisme systémique correspond à une réalité sociale ou sociologique. Soulignons que le concept de racisme systémique n’a pas toujours le caractère intentionnel qu’on lui accorde.

Plus précisément, la notion de racisme systémique invite à s’intéresser à l’interdépendance des facteurs, ce qui permet de faire ressortir les différentes causes à l’origine de l’exclusion des personnes racisées, dont les personnes des communautés noires ainsi que les personnes autochtones. La perspective systémique permet de dépasser l’aspect purement individuel du racisme. Elle élargit également l’angle et la portée en s’attardant aux effets des dynamiques entre institutions et entre secteurs d’activités qui désavantagent certains groupes et participent de ce fait à la reproduction du racisme et des inégalités structurelles qu’elle engendre encore aujourd’hui

Plus globalement, la Commission invite les décideurs à s’appuyer sur son document de réflexion afin d’entreprendre des actions qui s’attaqueront aux causes profondes du racisme systémique et à ses conséquences. Cette étape est incontournable si l’on veut identifier et mettre en œuvre des solutions concrètes et durables qui permettront de garantir l’égalité réelle à toutes les personnes au Québec.


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