Soutien à domicile pour les personnes en situation de handicap: la Commission des droits s’inquiète de potentielles atteintes aux droits

Dans les dernières semaines, des personnes en situation de handicap ont rapporté une réduction importante des heures de services accordées par la mesure chèque emploi-service (CES). Cette mesure leur permet de bénéficier de services d’aide à domicile et de choisir les services qui conviennent à leurs besoins, tels que les tâches ménagères, la préparation des repas et les soins personnels.
La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse s’inquiète vivement des réductions à ce soutien qu’elle considère comme essentiel, car il permet aux personnes de préserver leur autonomie et de rester chez elles plutôt qu’en ressources d’hébergement, et de bénéficier ainsi de conditions de vie respectueuses de leur dignité.
Ces changements surviendraient au moment même où le ministère de la Santé et des Services sociaux entreprend une consultation en vue de réviser la Politique nationale sur les soins et les services de soutien à domicile. Dans ce cadre, le ministère analyse la possibilité que les usagers et usagères contribuent financièrement aux services à domicile en fonction de leurs moyens.
La Commission s’inquiète des effets qu’un tel choix pourrait avoir sur les personnes en situation de handicap et leurs familles. Ce choix s’inscrirait en faux contre l’approche privilégiée par le Québec depuis plus de 35 ans, soit que l’État québécois accorde une compensation financière pour les coûts supplémentaires occasionnés par les limitations et incapacités des personnes. En libérant les personnes en situation de handicap de la pression financière due aux dépenses liées à l’achat d’appareils et de services destinés à pallier le handicap, cette approche a permis à de nombreuses personnes de s’extraire de la précarité et de contribuer activement à la société québécoise.
Aller de l’avant avec la possibilité d’une contribution financière des personnes usagères aux services à domicile risquerait de compromettre cette avancée importante et de compromettre l’exercice des droits qui sont prévus à la Charte des droits et libertés de la personne. Renoncer au principe de la compensation équitable serait un choix bien plus coûteux pour la société québécoise que de financer des programmes sociaux qui permettent la participation sociale pleine et active des personnes en situation de handicap.
La question du respect des droits et libertés des personnes qui pourraient être affectées par certaines décisions gouvernementales interpelle la Commission des droits dans sa mission. Rappelons à juste titre que la Convention relative aux droits des personnes handicapées reconnaît: « l'importance pour les personnes handicapées de leur autonomie et de leur indépendance individuelles, y compris la liberté de faire leurs propres choix », et « que les personnes handicapées devraient avoir la possibilité de participer activement aux processus de prise de décisions concernant les politiques et programmes, en particulier ceux qui les concernent directement ».
Les mesures et les décisions prises doivent tenir compte de leur impact potentiel sur l'exercice des droits qui sont prévus à la Charte pour les personnes en situation de handicap, notamment le droit à l’égalité et l’interdiction de discriminer, que ce soit de façon directe, indirecte ou systémique.
Les principes contenus dans la Charte s’appliquent à l’ensemble des programmes et mesures qui sont gérés par l’appareil étatique et ses composantes. Ils devraient donc être au cœur de l’analyse que réalise actuellement le ministère de la Santé et des Services sociaux dans le cadre de l’exercice de révision de la Politique nationale sur les services de soutien à domicile.
Le respect de la Charte des droits et libertés demeure le meilleur moyen d’affirmer que toutes les personnes vivant au Québec sont égales en valeur et en dignité et qu’elles méritent une égale considération.
Philippe-André Tessier
Président
Myrlande Pierre
Vice-présidente responsable du mandat Charte