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12 mai 2023Lettres et allocutions

Lettre ouverte concernant le Projet de loi n° 19, Loi sur l’encadrement du travail des enfants

Jeune fille qui travaille dans une épicerie.
Cette lettre ouverte sur l'encadrement du travail des enfants signée par la présidence et tous les membres de la Commission, a été publiée dans l'édition du 12 mai 2023 de Le Devoir sous le titre Travail des enfants et responsabilité des employeurs.

Alors que l’étude détaillée du projet de loi 19 sur l’encadrement du travail des enfants au Québec, est en cours à l’Assemblée nationale, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse souhaite se positionner publiquement, à titre de défenseur des droits des enfants au Québec, d’autant plus qu’une exception pourrait être accordée à certains producteurs agricoles.

La Commission a suivi avec intérêt et préoccupation les débats entourant le projet de loi 19 sur l’encadrement du travail des enfants. Si nous sommes satisfaits qu’un encadrement du travail des enfants soit proposé et discuté, une inquiétude persiste quant à la responsabilité des employeurs. Cette inquiétude est alimentée par les prises de parole qui ont suivi le dépôt du projet de loi.

En effet, les employeurs du Québec ont la responsabilité de protéger les enfants qui travaillent quant au nombre d’heures travaillées au quotidien, ainsi que d’adapter leurs horaires en fonction des activités scolaires et parascolaires. De ce fait, si les employeurs n'adhèrent pas massivement au cadre proposé par le projet de loi, les problématiques risquent de persister, voire de s'aggraver. Nous insistons sur la nécessité d’actions soutenues de la part des employeurs vu les conséquences néfastes que pourrait entraîner un laxisme dans l'application stricte des règles en matière de travail des enfants.

Il est également crucial que les employeurs soient pleinement conscients des défis que peut représenter la conciliation entre études et travail pour certains enfants. Leur décision d'embaucher des enfants implique qu'ils acceptent d'ajuster leurs attentes envers eux et d'adapter leurs tâches en tenant compte de leurs besoins spécifiques et non l’inverse. Cela doit s’appliquer également à tous les secteurs exemptés par la règle du 14 ans, y compris les producteurs agricoles.

Nous craignons, notamment, qu'en l'absence de mesures spécifiques, certains employeurs continueraient à regrouper les heures de travail en fonction de leurs besoins organisationnels et non de ceux des enfants qui fréquentent l'école.

Pour que l'intérêt de l'enfant soit préservé, ce dernier doit pouvoir consacrer le temps nécessaire à la réalisation de toutes les activités qui contribuent à son développement, telles que la socialisation avec ses pairs, la vie familiale, la scolarisation, les loisirs et le repos. Par ailleurs, nous constatons avec regret que l'opinion des enfants sur un sujet qui les concerne en premier lieu n'est pas recherchée, alors qu'il s'agit d'un principe fondamental en matière de droits de l'enfant. Actuellement, un déséquilibre notable existe dans l'espace public entre la voix forte des acteurs portant les intérêts économiques et celle des enfants, à peine audible. Cela est d'autant plus surprenant que les enfants de 14 ans et plus sont considérés comme majeurs pour l'exercice des actes liés à leur emploi, selon le droit québécois.

Nous reconnaissons que le travail peut avoir des bienfaits pour les enfants lorsqu’il s’exerce dans des conditions appropriées à leur âge, notamment parce qu’il leur permet d’acquérir des compétences et d’apprendre à assumer des responsabilités. Cependant, pour que les enfants puissent profiter des avantages que leur procure l’expérience de travail, il apparait plus que jamais incontournable de donner des balises claires à l’ensemble des employeurs du Québec qui embauchent des enfants ou qui envisagent de le faire.

Enfin, la Commission souhaite rappeler que la pénurie de la main-d'œuvre ne devrait en aucun cas être un leitmotiv pouvant légitimer socialement la recrudescence du travail des enfants.

 

Philippe-André Tessier, Président de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse
Myrlande Pierre, Vice-présidente responsable mandat Charte
Suzanne Arpin, Vice-présidente responsable mandat jeunesse

Les membres de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse:
Habib El-Hage
Lizette Gauvreau
Marie Laure Leclercq
Sylvain Le May
Martine Roy
Anne-Marie Santorineos
Bruno Sioui
Marjorie Villefranche
Nadine Vollant


Lien connexe : 
Mémoire sur le Projet de loi n° 19, Loi sur l’encadrement du travail des enfants