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30 août 2019Lettres et allocutions

Mot d’ouverture du panel sur la diversité au travail dans le cadre de la Fête Arc-en-ciel de Québec

​​Voici l'allocuton prononcée par Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission, lors de la conférence « Accueillir la diversité en milieu de travail » de la Fête Arc-en-ciel de Québec.​

Allocution prononcée par Myrlande Pierre, vice-présidente de la Commission, lors de la conférence « Accueillir la diversité en milieu de travail », le 29 août 2019. (Le texte prononcé fait foi).

 

Bonjour,

Au nom de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et en mon nom personnel, je tiens à remercier l’organisation de m’avoir invitée à prononcer le mot d’ouverture de ce panel sur la diversité au travail, auquel participera notamment ma collègue membre de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Martine Roy. Je salue également la présence de Réza Dupuis, agent d’éducation-coopération de la Commission qui a fait le relais entre l’organisation et la Commission.

La Fête Arc-en-ciel célèbre ses 15 ans cette année et j’en profite pour féliciter l’équipe organisatrice. C’est grâce à des organisations du terrain et des initiatives comme celle-ci que les enjeux et les réalités des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre sont portés sur la place publique. Ces organismes et ces initiatives sont d’une importance capitale et jouent un rôle primordial dans la sensibilisation, l’éducation et la défense des droits. Les partenariats avec les groupes de la société civile sont essentiels à l’action de la Commission et nous travaillons à renforcer encore davantage ces liens au cours des prochaines années.

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse a le mandat de veiller à l’application de la Charte des droits et libertés de la personne et d’en promouvoir les droits et les valeurs. Depuis 1977, l’orientation sexuelle est un motif de discrimination interdit par la Charte québécoise. Le Québec a d’ailleurs été la première province canadienne à interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Un peu plus de 20 ans plus tard, en 1998, le Tribunal des droits de la personne a reconnu que la discrimination basée sur le sexe désignait également l’état de transsexualisme et les personnes en processus de transition. Ce jugement était d’ailleurs très en lien avec le thème du panel de ce soir et portait sur le congédiement discriminatoire d’une personne en raison de son processus de transition. Plus près de nous en 2016, le motif de discrimination « identité ou expression de genre » a été ajouté à la Charte lui donnant une plus grande visibilité, en écho aux combats de plusieurs groupes et individus.

Malgré les avancées législatives et juridiques, le combat pour le plein respect des droits des personnes LGBT+ est loin d’être terminé, comme en témoignent l’agression homophobe qui a eu lieu le week-end dernier et la hausse des crimes haineux sur la base de l’orientation sexuelle au Québec durant les dernières années.  

Depuis plus de 40 ans, la Commission participe à la défense des droits des personnes issues de la diversité sexuelle et de genre et à la lutte contre la discrimination et le harcèlement à leur égard tant par la réception de plaintes individuelles que par des séances d’éducation ou par des initiatives de recherche. L’une de ces initiatives a été, en 1993, l’organisation de consultations publiques sur la violence et la discrimination envers les gais et lesbiennes, où trois thèmes ont été abordés : la discrimination dans les services de santé et les services sociaux, les relations avec les corps policiers, et l’examen de la conformité des lois provinciales avec la Charte. L’exercice a bénéficié d’une remarquable couverture médiatique, qui a exposé publiquement les grandes questions qui préoccupaient les communautés gaies et lesbiennes. Il s’agissait d’une première en Amérique du Nord.

Le rapport de cette consultation a été publié par la Commission l’année suivante. Le titre de ce rapport, De l’illégalité à l’égalité, témoignait justement du parcours et des luttes en faveur du respect des droits fondamentaux des personnes homosexuelles. Ce rapport a pu servir d’outil à la communauté en appui à ses revendications.

15 ans plus tard, en 2007 nous avons publié le Rapport de consultation du Groupe de travail mixte contre l’homophobie, intitulé « De l’égalité juridique à l’égalité sociale : Vers une stratégie nationale de lutte contre l’homophobie ». Ce rapport était issu des travaux d’un groupe de travail dirigé par la Commission et formé de représentantes et représentants de ministères et d’organismes publics, ainsi que des partenaires des milieux communautaires, syndicaux et de la recherche universitaire.

La Commission a également porté les enjeux touchant la communauté LGBTQI+ dans des mémoires et des présentations devant l’Assemblée nationale. Elle a notamment demandé en 2013 de renforcer le droit à l'égalité des personnes trans, en recommandant l’abrogation de l'obligation d’avoir recours à des traitements médicaux et des interventions chirurgicales pour soumettre une demande de changement de sexe au Directeur de l'état civil. Plus récemment, dans le cadre de la révision des dispositions la Loi sur les normes du travail en matière de harcèlement psychologique, elle a formulé des recommandations visant à renforcer la prévention et la lutte contre le harcèlement discriminatoire en milieu de travail, y compris celui-ci qui vise les personnes LGBT+.

Le thème du panel d’aujourd’hui « ACCUEILLIR LA DIVERSITÉ EN MILIEU DE TRAVAIL » revêt une importance particulière pour la Commission. Notamment parce qu’année après année, le milieu du travail est le secteur pour lequel sont enregistrées le plus de plaintes de discrimination à la Commission. En 2018-2019 c’est 53 % de l’ensemble des dossiers ouverts qui concernait le secteur du travail.

La Commission reçoit des plaintes notamment pour propos discriminatoires et harcèlement discriminatoire de la part de personnes LGBT+, en milieu de travail ainsi que dans les rapports privés et l’espace public. Ces plaintes nous indiquent que les préjugés à leur égard et le manque d’ouverture d’une partie de la population québécoise persistent.

Pour vous donner un exemple, entre mars 2009 et mars 2016, la Commission a ouvert 125 dossiers de plaintes pour le motif orientation sexuelle. Il faut noter que ces plaintes sont majoritairement déposées par des hommes (75%). Dans 70% des dossiers à l’étude, la discrimination rapportée prend la forme d’insultes, de menaces ou de commentaires homophobes.

Cette discrimination directe envers les personnes LGBT+ prend place dans le cadre de rapports privés, principalement dans le secteur du logement, mais aussi dans l’espace public par exemple les restaurants, commerces, centres sportifs. Elle peut porter atteinte à plusieurs droits fondamentaux des personnes visées notamment le droit à la sauvegarde de sa dignité ou le droit de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public et le droit d’accéder, en pleine égalité, aux lieux publics et d’y recevoir les biens et services qui y sont disponibles.

Par ailleurs, la Commission estime que le milieu de travail doit faire l’objet d’une attention particulière. Force est de constater qu’il est encore un lieu de discrimination pour les personnes LGBT+ : les congédiements déguisés, le harcèlement, les refus d’embauche ou de promotion sont des situations qui perdurent pour ces personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité ou expression de genre. Ces pratiques discriminatoires homophobes constituent la moitié des dossiers ouverts pour le motif orientation sexuelle depuis 40 ans.

Retenons également les cas de personnes qui ne se conforment pas aux codes vestimentaires ou à l’apparence physique de leur genre et se voient refuser l’accès à des commerces ou des lieux publics. Ces personnes, sans être gaies, lesbiennes, bisexuelles ou dans un processus de transition, sont discriminées en raison de leur apparence discordante aux normes sociales de genre.

Ces discriminations sont d’ailleurs de plus en plus largement documentées notamment pour les personnes trans. Il arrive qu’elles ne reçoivent pas les soins spécifiques à leur transition ou qu’elles expérimentent des refus de services dans les établissements de santé sur la base de leur identité ou expression de genre.

Face à ces réalités de discrimination encore bien prégnantes, la Commission est d’avis qu’il faut continuer de rappeler que l’homophobie et la transphobie sont des discriminations qui ont des conséquences graves sur les personnes qui en sont victimes et que ces discriminations sont interdites par la Charte.

Dans le domaine du travail, afin d’aider les employeurs à créer des milieux de travail plus inclusifs, la Commission offre des séances de formation en plus de répondre à leurs questions via son service-conseil en accommodement raisonnable et son service d’information spécialisée. Parmi les enjeux soulevés, on note de plus en plus en de questions sur l’accommodement des personnes trans, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation d’un prénom différent que celui présent sur les documents gouvernementaux.  

L’accueil de la diversité en milieu de travail est un enjeu qui concerne les communautés LGBTQ+ mais également les personnes racisées, les personnes en situation de handicap, les Autochtones et de façon encore plus importante lorsque les discriminations vécues en raison de ces réalités se croisent. L’intersectionnalité des discriminations, lorsqu’une personne vit plusieurs de ces réalités à la fois, est un sujet qui tend à être de plus en plus discuté bien qu’il le soit encore trop peu.

Je profite de la tribune d’aujourd’hui pour annoncer que la Commission lancera bientôt une nouvelle campagne de sensibilisation et d’information qui s’intitulera Recruter sans discriminer. Cette campagne sera à terme accompagnée d’une trousse de ressources pour les employeurs. Un module d’éducation en ligne sur les droits des personnes de la diversité sexuelle et de genre est également dans sa phase de finition et sera lancé en même temps que notre nouveau site Web à l’automne.

Avant de céder la parole aux quatre panellistes de ce soir qui vous partageront leur point de vue et leur expérience je désire remercier encore une fois l’organisation pour l’Invitation et vous souhaiter à tout le monde une bonne conférence et un bon festival.

 

Myrlande Pierre, vice-présidente
Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse

 

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