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Les 14 motifs interdits de discrimination

Les tribunaux soulignent que les motifs interdits de discrimination prévus à la Charte québécoise doivent recevoir une interprétation large et libérale, et ce, afin d’assurer à chaque individu le plein exercice de ses droits et libertés et de lutter véritablement contre toute forme de discrimination.

Notez qu’il n’existe pas de hiérarchie entre ces motifs interdits de discrimination, ce qui signifie qu’aucun d’entre eux n’a préséance sur les autres. Aucun non plus ne doit être interprété comme un absolu nécessitant automatiquement des mesures de redressement. L’exercice du droit à l’égalité doit toujours être aménagé d’une manière contextuelle. Dans l’éventualité d’un conflit de droits, il faut tenter de trouver une solution qui permette autant que possible le respect des droits en cause.

Nous vous proposons ici un survol des motifs interdits de discrimination incluant certaines précisions1 :

Âge : quel que soit l’âge ou le groupe d’âge auquel on appartient. Des restrictions prévues dans une loi ou un règlement peuvent cependant ne pas être discriminatoires (par exemple l’âge légal du vote à 18 ans).

Condition sociale : place ou position particulière occupée dans la société en raison de faits ou de circonstances donnés (revenu, profession, scolarité), par exemple, les personnes défavorisées socialement comme les prestataires de la sécurité du revenu ou les sans-abri.

Convictions politiques : convictions fermes exprimées par l’adhésion manifeste à une idéologie politique, par le militantisme en politique partisane ou dans un groupe de revendication sociale, par la participation à des actions d’un syndicat comme groupe de pression sociale.

État civil : célibat, mariage, divorce, adoption, appartenance à une famille monoparentale, lien quelconque de parenté ou d’alliance d’ordre familial.

Grossesse : état de grossesse, congé de maternité.

Handicap : désavantage, réel ou présumé, lié à une déficience, soit une perte, une malformation ou une anomalie d’un organe, d’une structure ou d’une fonction mentale, psychologique, physiologique ou anatomique. Ce motif englobe les facteurs sociaux, tels les perceptions, préjugés et stéréotypes qui peuvent causer un préjudice. L’accent est mis sur les effets de ces facteurs sociaux et la cause ou la nature du handicap a peu d’importance2. Les tribunaux ont d’ailleurs reconnu une discrimination fondée sur le motif handicap alors que la victime de préjugés et de stéréotypes discriminatoires ne souffrait, en réalité, d’aucune limitation3.

La Charte québécoise reconnaît que la situation de handicap peut être de courte durée ou encore un état permanent de la personne4. Toute personne susceptible de subir une discrimination du fait de sa condition physique ou mentale est en effet couverte par le motif handicap de la Charte québécoise.

Les tribunaux ont notamment reconnu l’asthme, les difficultés d’élocution verbale, l’obésité, l’acné, l’état de séropositivité, la dépression nerveuse, les troubles de la personnalité, le diabète, la douleur chronique, la fibromyalgie, l’épilepsie, l’eczéma, la toxicomanie et l’alcoolisme, la bipolarité avec trouble de l’humeur ainsi que les troubles de comportement comme des handicaps.

Moyen pour pallier un handicap : le moyen inclut « toutes formes de mesures raisonnables nécessaires pour qu’une personne handicapée puisse exercer en toute égalité ses droits »5.

Un principe demeure important en ce qui concerne le choix du ou des moyens utilisés pour pallier au handicap : le choix de ce dernier revient à la personne handicapée. L’utilisation d’un moyen ne devrait jamais être restreinte, à moins qu’elle ne cause une contrainte excessive6.

Outre les moyens plus traditionnels pour pallier le handicap, telle l’utilisation d’un fauteuil roulant, d’autres moyens sont aujourd’hui reconnus par les tribunaux7, par exemple :

  • un technicien en réadaptation pour un enfant handicapé dans une garderie;
  • une personne-soutien pour personnes ayant des capacités physiques limitées;
  • un chien-guide pour personnes non voyantes ou ayant une déficience visuelle;
  • un chien d’assistance pour personnes handicapées motrices et cognitives;
  • la langue des signes québécoise;
  • les équipements adaptés.

L'identité de genre  : l’expérience individuelle du genre d’une personne, qui peut correspondre ou non à son sexe biologique ou assigné à la naissance. Lorsque cette expérience du genre implique des modifications corporelles, c’est souvent ce que l’on appelle une personne transgenre (ou trans). Une personne peut ainsi s’identifier comme homme cisgenre ou trans, femme cisgenre ou trans, neutre, ou encore se situer quelque part entre ces pôles.

  • Les personnes trans ont une identité de genre qui ne correspond pas au sexe ou genre qui leur a été assigné à la naissance.
  • Les personnes cisgenres ont une identité de genre et une expression de genre correspondant au sexe qui leur a été assigné à la naissance.
  • Les personnes neutres ne veulent pas être classées dans une catégorisation binaire « femme » ou « homme ».

L'expression de genre  : manière dont une personne exprime son genre indépendamment de son sexe assigné ou biologique et parfois en dehors des normes sociales et des stéréotypes de genre. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage et son langage corporel.

Langue : toute langue parlée, incluant les accents et le degré de maîtrise de la langue. Bien que le français constitue la langue officielle du Québec, cela pourrait être considéré discriminatoire que d’exiger la maîtrise de cette langue, si elle n’est pas nécessaire pour l’exercice d’une fonction.

Orientation sexuelle : hétérosexuelle, gaie, lesbienne, bisexuelle ou personne qui exprime toute autre forme d’attirance ou de manque d’attirance sexuelle ou émotive d’une personne envers une ou d’autres personnes.

Race8, couleur, origine ethnique ou nationale : quel que soit le pays d’origine ou la couleur de la peau9.

Religion : croire ou ne pas croire, appartenir ou non à une confession religieuse, pratiquer telle ou telle religion ou n’en pratiquer aucune.

Le motif religion a largement été défini via l’interprétation par les tribunaux du concept de liberté de religion. Les notions de choix personnel, d’autonomie et de liberté de l’individu y sont prépondérantes. Aujourd’hui, la liberté de religion inclut ces trois composantes :

  • le droit de croire ce que l’on veut en matière religieuse;
  • le droit de professer ouvertement des croyances religieuses sans crainte d’empêchements ou de représailles;
  • le droit de manifester ses croyances religieuses par leur mise en pratique et par le culte ou encore par leur enseignement et leur propagation10.

Les tribunaux apprécient aujourd’hui la sincérité de la croyance qui est définie comme une « croyance honnête [et] avancée de bonne foi qui n’est ni fictive ni arbitraire et qui ne constitue pas un artifice »11. Les manifestations volontaires ainsi que les pratiques religieuses plus minoritaires sont protégées, au même titre que les obligations établies ou partagées par un plus grand nombre de fidèles.

Sexe : femme, homme ou intersexe. « Le sexe est habituellement assigné à la naissance après évaluation de l’appareil génital, des hormones, des chromosomes et d’autres caractéristiques physiques. »12 La discrimination envers une personne qui allaite est une discrimination fondée sur le sexe.13

 

Notes

  1. Certains des 14 motifs sont plus souvent invoqués par la clientèle du Service-conseil en matière d’accommodement raisonnable de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et nécessitent des informations plus détaillées à cet égard, de là le développement plus important de certains d’entre eux dans la présente section.
  2. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27, par. 79-81.
  3. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), [1999] 3 RCS 868, par. 2.
  4. Il est à noter que cette interprétation diffère de la définition de handicap qui est inscrite à la Loi assurant l’exercice des droits des personnes handicapées en vue de leur intégration scolaire, professionnelle et sociale, RLRQ, c. E-20.1.
  5. Québec (Commission des droits de la personne) c. Restaurant Scampinata Inc., 1994 Can LII 2338 (QC T.D.P. )
  6. À ce sujet, il faut distinguer les situations où la demande d'accommodement concerne la fourniture du moyen pour pallier le handicap de celles où la demande d'accommodement concerne la possibilité d'utiliser un moyen fourni par le demandeur. L’atteinte ou non du seuil de la contrainte excessive variera suivant ces différents contextes.
  7. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, Personnes sourdes ou malentendantes et chiens d’assistance : la reconnaissance d’un nouveau moyen pour pallier le handicap auditif (dans les moyens de transport) : état de la question(PDF, 300 Ko)., Lucie France Dagenais et Karina Montminy, (cat. 2.120-12.47), 2007, pp. 23-24.
  8. Bien que le terme « race » soit utilisé dans la Charte comme dans plusieurs autres instruments de protection de droits de la personne, rappelons que ce terme désigne un construit social et non une réalité biologique.
  9. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. For-Net Montréal, 2014 QCTDP 1, par. 109-110, requête pour permission d’appeler rejetée dans 2014 QCCA 1508.
  10. Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Montréal), 2015 CSC 16, par. 68-69; R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, par. 94.
  11. École secondaire Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12, par. 136-137; Syndicat Northcrest c. Amselem, 2004 CSC 47, [2004] 2 R.C.S 551.
  12. COMMISSION ONTARIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE, Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle, 2014, p. 63.
  13. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Giguère) c. Montréal (Ville de), 2003 CanLII 33420 (QC TDP)
 

Crédits