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29 novembre 2018Lettres et allocutions

Allocution lors du dévoilement du rapport de consultation de Diversité artistique Montréal (DAM) sur le racisme systémique dans le milieu des arts, de la culture et des médias à Montréal

​​Voici l'allocution de Philippe-André Tessier, président par intérim de la Commission, lors du dévoilement du rapport de consultation de Diversité artistique Montréal (DAM) dans le cadre de la Journée "Pour un processus d'équité culturelle".

Allocution prononcée le 27 novembre 2018 par Philippe-André Tessier, président par intérim de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, lors de la Journée "Pour un processus d'équité culturelle". (Le texte prononcé fait foi).

Bonjour à toutes et à tous,

Je suis Philippe-André Tessier, président par intérim de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Je remercie Diversité artistique Montréal de nous avoir invité à ce lancement afin de recevoir le rapport de la consultation sur le racisme systémique dans le milieu des arts, de la culture et des médias à Montréal. Nous allons bien sûr prendre le temps de le lire et d’analyser ses recommandations pour voir comment la Commission peut le plus efficacement possible s’en nourrir dans son travail.

La diversité artistique est un enjeu crucial directement en lien avec notre mandat à la Commission, c’est-à-dire de promouvoir et de défendre les principes de la Charte des droits et libertés de la personne, dont le droit à l’égalité.

En février dernier, la Commission a assisté avec grand intérêt à la journée d’audition publique organisée par DAM. Cette rencontre nous a permis d’entendre le point de vue, les expériences et les observations des personnes autochtones et racisées du milieu des arts, de la culture et des médias et de mieux comprendre leurs réalités.

Comme DAM le constatait en février, nous croyons que les artistes autochtones et les artistes racisés rencontrent des obstacles qui sont de nature discriminatoire et qui ont une dimension institutionnelle et systémique. Nous croyons, comme DAM, qu’il est essentiel d’entendre la voix et l’expérience des personnes autochtones et racisées.

En ce sens, les processus délibératifs et consultatifs sont importants pour faire avancer les idées, assurer l’ouverture de la société québécoise et garantir une égalité réelle à tous. D’ailleurs, dans notre plan stratégique, nous avons choisi de porter une attention prioritaire aux droits des personnes en situation de vulnérabilité ou d’exclusion au sein de la société. Nous voulons contribuer à développer une meilleure réceptivité des décideurs aux besoins spécifiques des membres de ces groupes, dans les sphères d’activité politique, économique, sociale, culturelle et publique.

La Commission travaille depuis ses débuts sur la question du racisme et de la discrimination. Elle intervient tant par ses recherches, ses recommandations au gouvernement, ses activités de formation, ses interventions en accès à l’égalité en emploi et en protection des droits de la jeunesse, que par son service de traitement des plaintes.

La Commission a notamment entrepris, en 2009, une vaste consultation publique sur le profilage racial et les jeunes racisés de 14 à 25 ans. Nous savons que le profilage racial a des répercussions sociales qui peuvent s’étendre jusqu’au domaine des arts et de la culture. À la suite de notre consultation, nous avons publié un important rapport contenant plus de 90 recommandations, dont nos propres engagements. Depuis, nous continuons à travailler à une meilleure reconnaissance sociale, politique et juridique du profilage racial et de ses conséquences. Nous préparons d’ailleurs en ce moment un bilan de mise en œuvre des recommandations qui devrait être prêt au printemps prochain.

Un autre domaine qui peut être d’intérêt ici, l’accès à l’égalité en emploi fait partie des mandats de la Commission, notamment la surveillance de la Loi sur l’accès à l’égalité dans les organismes publics. Cette loi, bien qu’elle ne s’applique qu’à certains organismes, peut servir de modèle dans certains secteurs pour augmenter la représentation des groupes victimes de discrimination en emploi, dont les personnes racisées et les Autochtones. Il existe d’ailleurs des programmes volontaires d’accès à l’égalité qui pourraient être implantés dans le secteur culturel.

Pour la Commission, l’accès à l’égalité en emploi est une approche plus pertinente que la gestion de la diversité. En effet, la gestion de la diversité relève de choix organisationnels et met l’accent sur les bénéfices économiques de la valorisation des différences. L’accès à l’égalité en emploi, qui relève du respect du droit à l’égalité en emploi tel que garanti par la Charte, vise plutôt à éliminer les effets discriminatoires de politiques et pratiques de gestion des ressources humaines.

Les obstacles au marché du travail et à la progression en emploi des minorités racisées et des Autochtones relèvent de la discrimination systémique et non pas d’un manque de valorisation de la diversité ou d’un problème de gestion de la diversité.

Et justement, le rapport qui m’est soumis aujourd’hui est une contribution extrêmement importante, tout spécialement dans un contexte de sous-représentation des personnes racisées et autochtones. D’autant plus que nous manquons cruellement de données sur la manière dont sont dépeints les personnes racisées et les Autochtones dans cet important secteur au Québec.

Le secteur des arts, de la culture et des médias a un caractère fondamental pour une société pluraliste. L’UNESCO le souligne, les médias publics et privés doivent jouer un rôle essentiel dans l’éducation aux droits et dans la lutte aux préjugés afin d’enrayer la discrimination et le racisme. Les médias ont aussi une fonction importante pour ce qui est de la représentation juste et non stéréotypée de la diversité culturelle autochtone, un élément inscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Les stéréotypes et les préjugés véhiculés par le secteur de la culture et des médias influencent en retour les perceptions, les attitudes et les comportements du public. Cela engendre parfois des propos ou des gestes discriminatoires et participe ainsi au maintien d’obstacles discriminatoires dans d’autres secteurs, notamment celui de l’emploi en général.

On le sait, ce processus d’invisibilisation ainsi que les stéréotypes qui sont associés aux personnes racisées et aux Autochtones peuvent affecter négativement l’estime de soi et le sentiment d’appartenance à la société québécoise.

La difficulté de lutter contre les stéréotypes qui peuvent circuler dans le secteur de la culture et des médias s’explique en partie par la faible représentation des minorités racisées et des Autochtones parmi les créateurs et les professionnels de ce secteur : ils ne peuvent alors faire contrepoids vis-à-vis des perceptions et des informations erronées dont ils sont la cible. Dans ce contexte, le traitement médiatique peut difficilement être équilibré. Pourtant, le contact d’une large partie de la population avec les personnes racisées et les Autochtones se fait à travers la culture, les arts et les médias.

Ces stéréotypes ne touchent pas uniquement le secteur des arts, mais également celui de l’information. Un avis du Conseil des relations interculturelles démontre que la presse écrite québécoise rapporte davantage des nouvelles négatives sur les immigrants. On y précise que 48 % des 606 articles analysés avaient une portée négative et que deux groupes racisés, les « communautés noires et arabes », y étaient plus présents.

Des chroniqueurs, animateurs et autres leaders d’opinion, que ce soit dans les grands médias ou à travers les médias sociaux, entretiennent encore des stéréotypes envers les minorités racisées et les Autochtones. Le Conseil de presse du Québec est intervenu à certaines occasions, allant jusqu’à blâmer sévèrement certains d’entre eux pour avoir véhiculé des préjugés ou dépeint une communauté par des généralisations outrancières. Or, malgré la sévérité des blâmes, leurs auteurs se voient rarement imposer de réelles sanctions, entre autres en raison du caractère moral et non judiciaire des décisions du Conseil.

Face à ces constats, il existe des moyens à prendre collectivement pour assurer la visibilité et refléter un portrait plus juste des personnes racisées et des personnes autochtones. Pour cela, le rapport que DAM rend public est important et la Commission souhaite participer à la mise en place de solutions concrètes. Vous pouvez donc compter sur nous pour la suite des choses.